« La guerre nouvelle, toute en nuances, s’apparente davantage au processus d’infection de la maladie. Son action lente et moins dramatique ne doit pas abuser : les renversements de puissance qu’elle produit progressivement apparaîtront plus tard comme un cataclysme mondial » écrivait de façon prémonitoire le général Beaufre en 1963.
Malgré l’éclipse durable de la menace armée à nos frontières, le spectre de la guerre n’a en effet pas disparu de notre horizon. Nous assistons ces vingt dernières années à la mondialisation de l’insécurité, au réarmement de nombreux Etats dont certains cherchent à acquérir l’arme nucléaire, à la faillite d’autres, et à l’hostilité déclarée de mouvements armés à notre modèle de civilisation. Les menaces contre notre liberté, nos valeurs, nos intérêts et contre nos concitoyens sont une réalité qui ne se dément pas dans le temps. Elle justifie notre posture permanente de dissuasion et l’intervention de nos forces, hier en Libye et en Côte d’Ivoire, aujourd’hui encore au large de la Somalie, au Liban et en Afghanistan.
Pour autant, la perception par l’opinion du risque de guerre est devenue plus diffuse. Le format des forces armées s’est resserré. Là où les forces restent présentes, leur ancrage au sein de la population est plus fort que jamais. En revanche, certaines régions comme l’Ile-de-France, sont devenues des déserts militaires. Sous l’effet conjugué d’une situation de paix en Europe occidentale d’une durée inégalée dans l’histoire et de l’ampleur des défis de sécurité intérieure, notre société se distancie du fait militaire. Promouvoir l’esprit de défense relève dans ce contexte du devoir civique. En effet, le Président de la République et chef des armées, comme les militaires, tirent leur légitimité du soutien de l’opinion pour décider de l’engagement au combat des forces armées et pour « tenir » lorsque le sang coule.
La réserve citoyenne joue un rôle essentiel pour assurer le lien entre les armées et la société civile. Elle constitue une authentique avant-garde parmi nos concitoyens, par son dynamisme et sa créativité pour porter l’esprit de défense dans l’ensemble de la société, et par l’exemplarité de son engagement solidaire à l’égard de nos blessés au combat et des familles de ceux qui sont tombés au champ d’honneur.
Poursuivons ensemble cette œuvre pour que nos armées restent au cœur de la cité et demeurent, aujourd’hui comme hier, le rempart ultime de la nation.
Général de corps d’armée Hervé Charpentier
Gouverneur militaire de Paris