“ Présentez... armes ! “
Gestes tant de fois répétés dans la cour du quartier. Cette fois, il n’y a pas de spectateurs. Tous ceux qui sont ici appartiennent au même monde, celui de la haute montagne où l’on respire un air différent, plus rare et plus pur. Les guerriers blancs, figés comme des statues que raidirait le gel, écoutent le récit de ce combat de Sidi-Brahim d’où jaillit comme un geyser ce que leurs aînés nomment l'esprit chasseur. On entend une voix, presque métallique dans le grand silence des sommets : “ Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1845, trois cent cinquante hommes du 8e bataillon des Chasseurs d’Orléans ont quitté le poste côtier de Djemmaa-Gazaouet pour se diriger en direction du sud-ouest et de la frontière marocaine. Ils marchaient à la rencontre de l’Emir Abd-el-Kader et de la mort. Il ne reviendra de cette colonne qu’un caporal et quatorze chasseurs... ”.
Ainsi le nom de Sidi-Brahim entrait dans l’histoire des hommes en tenue bleue, que les indigènes d’Algérie nommaient, au temps de la Conquête, les “ soldats noirs ”. La cérémonie en haute altitude est rapide. Sur les anoraks, blancs, tranche désormais la fourragère rouge gagnée en 1978 par les Alpins du 6e BCA comme du 27e BCA.
“ Reposez... armes ! ”.
Des lèvres crevassées et bleuies par le froid, un chant monte, dont les paroles naïves sont devenues sacrées au souvenir de tant de sacrifices : « Francs Chasseurs, hardis compagnons, Voici venir le jour de gloire. Entendez l’appel du clairon, Qui vous présage la victoire. »
(Le rythme est vif, saccadé. Chaque mot claque comme une gifle de ce vent brutal qui siffle sur tout le paysage de haute altitude.) "Volez, intrépides Chasseurs, la France est là qui vous regarde. Quand sonne l’heure du combat, Votre place est à l’avant-garde ! "
Maintenant, les cordées se reforment et les chasseurs, jeunes et anciens mêlés, redescendent vers les alpages où ils arrivent, riant au crépuscule. La cérémonie de la Sidi-Brahim est terminée.
Le désastre serait-il plus exaltant que la victoire ? Le héros ne trouve sa vraie grandeur que seul, face à un destin tragique. Chaque 23 septembre, le combat de 1845 est célébré par les chasseurs avec une ferveur qui n’a d’égale que celle des légionnaires pour le 30 avril, anniversaire de Camerone.
Les deux faits d’armes, d’ailleurs, se ressemblent et se rejoignent, préfigurant toutes ces situations désespérées et exaltantes où une poignée de braves, encerclés par l’ennemi, refuse de se rendre et préfère la mort, dans l’honneur et la fidélité.
En cette année 2019, la Sidi Brahim se tiendra au Château de Vincennes, demain 21 septembre à partir de 8h00 et jusqu’en fin d’après-midi.
Sources :
Site du diocèse aux armées.
Site du Ministère des Armées.
Site de l’Amicale des Chasseurs – www.bleujonquille.fr