ENTRETIEN
Directrice-adjointe au secrétariat général de l’administration (SGA), au ministère des Armées, Nathalie Leclerc témoigne de son handicap survenu pendant ses études, une paralysie de la main.
À l’occasion d’un colloque sur le handicap au ministère, la numéro 2 du SGA prend la parole et raconte les difficultés d’une jeune femme atteinte pendant ses études d’une paralysie de la main droite. Un parcours semé d’embuches. « La jeune femme dont je vous parle est en face de vous », annonce-t-elle pour conclure.
Nathalie Leclerc a le sens de la formule. Surmontant son handicap, elle a réussi Sciences-Pô et le concours de l’ENA. Douée pour communiquer, elle nous explique comment son handicap a développé, chez elle, une façon plus élaborée de communiquer à l’oral.
Comment est apparu votre handicap ?
Nathalie LECLERC : Après ma licence de droit, à l’université de St-Etienne, j’ai intégré Sciences-Po. C’est à ce moment-là qu’un évènement majeur est arrivé dans ma vie. En quatre mois, ma main droite s‘est paralysée. Sur le plan mécanique, on ne trouvait rien. Je ne pouvais pas écrire, même si mes mains fonctionnaient normalement. On a alors pensé que c’était d’origine psychologique, car j’avais perdu un oncle quelque temps avant.
Quelles ont été les conséquences ?
N.L. : Jusque-là, j’apprenais en écrivant, car j’avais une mémoire kinesthésique. J’ai perdu mes repères et il a fallu réapprendre à mémoriser. Une personne était présente pour les examens à qui je dictais le texte. Il a fallu réapprendre à adapter l’expression orale pour qu’elle apparaisse comme étant plus écrite. Mes professeurs me reprochaient d’adopter un style parlé à l’écrit. Cette période a été douloureuse. Le fait d’avoir fait du sport, enfant, à haut niveau, m’a sûrement aidée à me dépasser.
Le handicap a-t-il été un frein dans votre choix de carrière ?
N. L. : J’ai voulu passer le concours pour être commissaire de police. Je me souviens, à l’époque, avoir reçu une lettre de refus, une lettre qui stipulait qu’on ne prenait pas de personnes handicapées dans la police. Pourtant mon handicap impacte seulement mon écriture, mes mains fonctionnent normalement. Grâce à l’informatique, je peux travailler sans problème.
Participez-vous à l’opération Duoday (1) ?
N. L. : Oui, depuis deux ans. Cette journée permet à une personne handicapée de vivre votre vie pendant une journée. Je l’ai fait avec un ancien militaire qui avait un syndrome post-traumatique. Par son expérience personnelle, il nous a aidé à adapter l’offre d’outils numériques aux militaires qui font des démarches de pension militaire d’invalidité. Ça a été un premier succès. L’an dernier, j’ai accueilli un étudiant brillant de l’ESSEC qui avait un syndrome d’Asperger. Un handicap invisible comme le mien, qui n’en demeure pas moins réel, avec des moments de crise violente comme il me l’expliquait.
Quelle action avez-vous mise en place, sur le plan du recrutement ?
N. L. : J’ai signé une convention avec l’association Handeco (2) pour accroître notre recrutement de personnes handicapées et de militaires blessés au sein du ministère. Nous disposons désormais d’une plateforme qui met en relation des associations qui s’occupent de l’insertion d’un côté, et le ministère de l’autre.
Et sur l’accessibilité au ministère ?
N. L. : Nous avons mis en place sur le site de Balard des bornes numériques positionnées sur des passages pour permettre à des personnes handicapées de se guider. Mais il faut continuer nos efforts. Je suis restée deux mois en fauteuil roulant à la suite d’un accident et j’ai réalisé que c’était très compliqué de circuler seule. J’avais quelqu’un qui me poussait et qui m’aidait car les portes ne s’ouvrent pas automatiquement.
Avez-vous été confrontée, dans votre vie professionnelle, à des personnes avec des troubles psychiques ?
N. L. : Oui, certaines situations peuvent devenir dramatiques si on n’agit pas. Nous mettons quand cela est nécessaire, avec les managers, un suivi avec le médecin de prévention et un psychiatre. Mais parfois, cela n’a pas été suffisant. Avec du recul, je dirais qu’il faut rester très vigilant face à ces situations et entourer la personne en souffrance.
Cécile TARDIEU-GUELFUCCI
Pour le Chemin vers l’insertion
(1) DuoDay permet la formation de duos entre des personnes en situation de handicap et des professionnels volontaires dans de nombreuses entreprises, collectivités ou associations.
(2) Handeco a été créée en 2008 à l’initiative des plus grandes associations et fédérations nationales, dont l’APF France Handicap, la Fédération APAJH et Nexem.
NB : Cécile Tardieu-Guelfucci fait partie du Groupe Histoire et Patrimoine de la RC GMP. Elle est commandant ad honores.