Le 342e régiment d’infanterie, régiment de réserve du 142e RI de Lodève-Mende, a été crée à la mobilisation, le 2 août 1914. Il est alors composé de 2186 hommes qui quittent Mende (Lozère), le 10 août 1914 sous les ordres du lieutenant-colonel Heliot, « un vieil et rude africain ». Le régiment est composé de deux bataillons : le 5e commandé par le chef de bataillon Julien qui encadre quatre compagnies (capitaines Danton, Boge, Saget, Balesta) et le 6e avec à sa tête, le chef de bataillon Bernard qui encadre aussi quatre compagnies (capitaines Petitjean, Devaux, Chourreu et Taffin). Les hommes viennent de la Lozère, de l'Aveyron, de l'Hérault, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales. Un noyau important d'Auvergnats de Paris apporte, au milieu du patois méridional, un accent faubourien qui sait blaguer aux heures difficiles.
La bataille d’Ypres
Le 19 août, c’est le baptême du feu en lisière sud du bois de Mulwald pour couvrir Angviller (Moselle). Le 26 août, le 342e se distingue à La Mortagne (Meurthe-et-Moselle). Les compagnies Danton et Saget subissent leurs premières pertes. La campagne de Lorraine terminée, le 342e rejoint Saint-Mihiel (Meuse) puis Manoncourt (Meurthe-et-Moselle) sous une pluie battante et une marche épuisante. Le 24 septembre, elle perd son premier officier, le sous-lieutenant Lasvignes de la 24e Cie.
Le secteur s'organise, les tranchées se creusent, des réseaux barbelés sont posés, les attaques deviennent vaines sans une préparation d'artillerie encore impossible à réaliser. Les escarmouches sont quotidiennes et le 342e tient bon la place quand, fin octobre, il est envoyé à Ypres (Belgique). Le 5e bataillon (Julien) est placé, le 1er novembre au matin, sous les ordres du chef de corps du 143e R. I. et va renforcer ce régiment, au nord de Wyschaête (Belgique), sur la route de St-Éloi. La 18e Cie (Boge) est au sud, les 17e (Danton) et 20e (Balesta), au centre, la 19e (lieutenant Pic), au nord, tout le bataillon est face à l'est sur deux lignes et l'on s'efforce de faire le plus de volume possible.
Le capitaine Balesta est tué le soir du 1er novembre. Le capitaine Boge et le sous-lieutenant Surbézi (20e Cie) le 2 novembre, le commandant Julien et le lieutenant Ribes (17e Cie) sont grièvement blessés ce même jour. Les pertes sont importantes. Les combats violents se poursuivent Le lieutenant téléphoniste Teisserenc essaie de les contenir ; il est tué presque aussitôt et la poussée est si forte, que le 342e est contraint à céder un peu de terrain. A la 22e compagnie, le capitaine Devaux et le lieutenant Geoffroy sont tués, les lieutenants Palanca et Cayrel sont très grièvement blessés ; à la 23e compagnie, le seul officier présent, le sous-lieutenant Gleyses, est grièvement blessé à la tête ; les mitrailleurs perdent leur chef, le sous-lieutenant Justafré, tué en tête de sa section. Au soir du 3 novembre, le bataillon Bernard ne compte plus que deux officiers valides : le sous-lieutenant Darnaudy de la 24e compagnie et le lieutenant Rigal qui prend le commandement du 6e bataillon où une compagnie reste encore sous le commandement d'un adjudant, car il n'y a pas assez d'officiers…
Noël 1914 en Belgique
Après cette hécatombe, le 342e est relevé par des Anglais pendant trois jours avant de repartir au combat. Il est renforcé par près de 300 hommes. Le 9 décembre, les hommes abandonnent les tranchées de Saint-Eloi et les cantonnements de Dickebusch, pour la Clytte et le secteur de la ferme de Hollande devant Groote-Vierstraat.
Noël 1914 se passe à la Clytte en joyeuses fraternisations avec Anglais et Belges, puis le 342e occupe de nouveau Saint-Éloi. Le 28 décembre, le régiment de réserve prend enfin le secteur de Laukof, au nord du canal d'Ypres à Commines. Là, les tranchées sont par endroits à quinze mètres de celles de l'ennemi. Tout le mois de janvier 1915, les compagnies passent à tour de rôle, 36 heures consécutives dans les tranchées, en première ligne.
Le 31 janvier, une attaque allemande à la grenade s’empare d’une tranchée française. Pour la reprendre, le 6e bataillon (capitaine Laliron) perd 143 hommes, dont deux officiers. En février, le 342e RI quitte avec amertume les zones de combats où il a connu de terribles souffrance malgré le renfort, entre novembre 1914 à février 1915, de 1.867 hommes venus d’autres régiments.
Bataille de la Champagne
Le 342e RI est transféré sur le front de Champagne. Le 19 mars, seulement une demi-heure après avoir relevé le 96e RI, les hommes du LCL Heliot essuient un violent bombardement et une fulgurante attaque de l’infanterie ennemie. Le régiment qui riposte vaillamment perd 176 hommes ainsi que 122 blessés et une centaine de disparus. Parmi les premiers tués : le capitaine Laliron commandant le 6e bataillon et ses quatre commandants de compagnie : le capitaine Combet, le lieutenant Rigal, le capitaine Garnier et le lieutenant Guiraud. Un sixième officier grièvement blessé tombe aux mains de l'ennemi : le sous-lieutenant Daubiné (21e Cie) qui rentrera plus tard d'Allemagne les deux jambes coupées. Cette même journée, dans une escarmouche proche de la Ferme de Beauséjour, le chef de corps du 342e RI, le LCL Héliot est grièvement blessé et trois de ses officiers du 5e bataillon sont tués : le capitaine Jacoby (19e Cie), le lieutenant Ribes et le sous-lieutenant Le Garrec (20e Cie).
C’est le capitaine Danton qui vient prendre le commandement du régiment et le conduit le 23 mars à Somme-Bionne où arrivent un nouveau chef de corps, le Lieutenant-colonel Blavier, les officiers et gradés du 107e bataillon de marche, en tout 462 hommes en divers renforts. Installé à l’ouest de Perthes-les-Hurlus en avril 1915, le régiment doit affronter la terrible guerre des mines et celle des créneaux où les tireurs d'élite font merveille ; ce sont les meurtrières fléchettes, les bombes de tout calibre que l'on s'envoie de tranchée à tranchée et qui, par leur harcèlement continu, ralentissent les travaux. Les cinq mois à Perthes-les-Hurlus se passent en luttes incessantes ; « on se grignote » de tranchées en tranchées pour gagner 10 mètres, en reperdre 15 puis en reprendre 20…
Pendant cette période (avril à août 1915) le 342e reçoit le renfort de 817 hommes. A la fin août, le Régiment est à Rapsécourt (Marne), puis à Chaudefontaine, d'où il va travailler vers Berzieux et Ville-sur-Tourbe (Marne) en vue de l'offensive d'automne. Il est, à de rares exceptions, laissé en réserve de la 32e division même si la 18e compagnie (Gely) est éprouvée le 28 septembre à la Main de Massiges. Le 28 octobre, le 342e occupe un secteur sur les pentes ouest de la Butte de Tahure (1). Le 5e bataillon (Beaudesson) repousse les vagues d'assauts ennemies ; les mitrailleuses des sections Boulard et Jourda font merveille aux deux extrémités de ce bataillon. Le 30 octobre, malgré les efforts du 6e bataillon (Rochard), l’ennemi parvient à prendre la Butte de Tahure, descendant dans le dos des 22e et 23e Cie. Le commandant Beaudesson qui arrive pour renforcer la résistance est tué à l’ennemi. Plus de 120 soldats du 342e RI perdent la vie dans cette bataille (2).
Bataille de Verdun
Epuisé par les fatigues de la Bataille de Champagne, le régiment retourne à l’arrière prendre un repos mérité. Le 28 novembre, il revient à Hautvillers, près d'Épernay et achève de se reconstituer. En janvier 1916, le 342e, commandé par le lieutenant-colonel Blavier, a ses cadres au complet : le chef de bataillon Pauly commande le 5e bataillon formé des compagnies : Maurandy, Bernard, de La Brosse et Pic ; au 6e, il y a le chef de bataillon Saunier et les compagnies Lapeyre, Durand, Pillieux et Ménigoz ; les mitrailleurs ont le capitaine Lapisse. Fin Janvier 1916, il prend le secteur assez calme de Soissons où il ne rencontre aucune difficulté majeure. Relevé à la mi-février par le 80e RI, le 342e va stationner à Fismes près de Verdun car la grande bataille est déclenchée. C’est en août 1916 que le 342e régiment d’infanterie connaît son heure de gloire. Le 16 août, il relève le 4e régiment mixte Zouaves et Tirailleurs.
Le 23 août 1916, le bataillon Pauly est chargé de conquérir la fameuse crête Fleury-Thiaumont, particulièrement importante à posséder pour cacher à l'ennemi le ravin des Vignes d'où partira plus tard l'attaque qui délivrera Douaumont. Durant quatre heures, l’artillerie fait excellente besogne ; les obus de 155mm, s’abattent drus sur les positions allemandes. A 17 h. 30, les lieutenants Chaumont, Mouzon et Broussaud s'élancent avec la première vague d'assaut de leurs compagnies respectives ; tout le reste du bataillon les suit en deux autres vagues.
Les hommes, enthousiasmés par la belle préparation d'artillerie, y vont de tout leur cœur. Les combats font rage pendant plusieurs jours avec quelques périodes d’accalmie. Les deux chefs de bataillon Pauly et Saunier sont tués au combat.
Argonne et Côte 304
Le 31 août au soir, le 342e est relevé et s'embarque le lendemain à Lempire (Aisne) pour Foucaucourt (Somme) où il jouit d'un repos bien gagné. Le 8 septembre, le Lieutenant-colonel Blavier, les deux chefs de bataillon tués, les capitaines du 5e bataillon et quelques militaires sont cités à l'ordre de la 2e Armée par le Général Nivelle.
Après avoir participé à la bataille en Argonne (automne 1916), le 342e revient, le 12 janvier 1917, à Foucaucourt où la température descend à vingt degrés en dessous de zéro. Dans la nuit du 21 au 22 janvier, le bataillon Thiébaud, renforcé des mitrailleurs du 6e bataillon et de la 22e compagnie, prend le secteur de la côte 304. Le 25 janvier 1917, après une très violente préparation d'artillerie et de torpilles, les Allemands réussirent à s'emparer de la première ligne tenue par le 5e bataillon sur le sommet de la côte 304. Les fantassins français ont épuisé sans résultat apparent leurs moyens de liaison avec l'arrière, du reste le 6e bataillon alerté a des éléments jusqu'à Jouy-en-Argonne et ne peut arriver qu'à la fin de l'action. Tout est emporté par l'ennemi entre 15 et 16 heures, seuls surnagent le poste de commandement du bataillon et une section de mitrailleurs du capitaine Lapisse. Le 28 janvier à 14 heures, deux bataillons essayent sans succès de reconquérir le sommet de la côte 304. Le 16 février, le 6e bataillon (capitaine de la Brosse) prend de nouveau le secteur 304 et, jusqu'au 13 mars, les deux bataillons (5e et 6e) alternent entres les premières lignes et Jouy-en-Argonne, tandis que tous les mitrailleurs restent en ligne. Durant un mois, les positions s'organisent malgré la neige, la pluie et la boue. Le 8 mars, le 5e bataillon est mis au repos à Nixéville (Meuse). Le 13 mars, c’est au tour du 6e bataillon de rejoindre l’arrière à Osches (Meuse).
Un temps affecté (avril) dans le secteur du Bec entre la côte 304 et le Mort-Homme, le 342e RI est relevé le 10 mai 1917 et mis au repos aux camps du Deffoy et des Clairs-Chênes ; le 11 mai, il cantonne à Jubécourt et Brocourt.
La dissolution : mai 1917
La réorganisation de l'armée française après l'offensive du 16 avril 1917 réduit à trois régiments toutes les divisions. Le 342e doit donc quitter ses camarades de combat de la 32e division : le 15e d'Albi, le 80e de Narbonne et le 143e de Castelnaudary. Le Colonel Bertrand qui commande, depuis janvier 1916, la 63e brigade, où il a remplacé le général de Voillemont, vient faire ses adieux au régiment et rend hommage à sa « fermeté dans l'accomplissement du sacrifice » (Ordre n° 257). Le régiment est dissous le 12 mai 1917. Ce même jour, les bataillons s'embarquent à Lemmes pour la Ve Armée, où ils sont affectés au 35e R.I. de Belfort (Bataillon Thiébaud) et au 60e R.I. de Besançon (Bataillon Jusselain).
Le 342e RI a payé un lourd tribut en moins de trois ans : sur les 2186 hommes qui sont partis le 10 août 1914, seuls un peu plus de la moitié sont encore vivants le 12 mai 1917. Le 342e a perdu 976 hommes de troupe en 33 mois (sans compter les officiers).
1 Le village de Tahure comptait 185 habitants en 1911. Pendant la Première Guerre mondiale, le village fut anéanti. Il ne s'est plus jamais relevé.
2 La Butte de Tahure n’est reconquise que le 20 septembre 1918, par des régiments de la 14e Division, composée pour une bonne part de vieux soldats du 342e qui ainsi vengèrent leurs malheureux camarades.
Cet article a été écrit par le LTN (r) C. Soulard, pour le Bulletin de Liaison n°148 de l’association des réservistes de l’infanterie, ANORI (Sources : historique du 342e RI).