Une armée composée de trois groupes distincts.
Au 19e siècle, alors que la France connait l’apogée de son empire colonial, nos forces armées sont composées de trois grands ensembles : les régiments et les armes de la France métropolitaine, les troupes coloniales et l’Armée d’Afrique.
Les troupes coloniales sont formées d’unités militaires stationnées dans les colonies, basées sur des soldats locaux (et un encadrement bien souvent de Métropole) chargées d’assurer la défense des territoires d’outre-mer, autres que l’Afrique du Nord.
L’Armée d’Afrique regroupe donc justement ces mêmes troupes mais sur les territoires du Maghreb. Elle dépend d’un seul état-major général. Une autre distinction est d’importance : les régiments de l’Armée d’Afrique sont très majoritairement composés d’Européens (du moins les régiments de zouaves et de chasseurs d’Afrique). Son origine remonte aux sources même de la colonisation en Afrique du Nord : le général de Bourmont débarque en Algérie en 1830 à la tête d’un corps expéditionnaire qui bientôt prendra ce nom d’Armée d’Afrique. Après l’Algérie, viendront les territoires (puis protectorats) de la Tunisie et du Maroc.
Unités.
- La Légion étrangère : la Légion Etrangère, fondée en 1831 pour rassembler dans un même corps tous les étrangers des différents régiments de l’Armée française, établit son quartier-général à Sidi-Bel-Abbès, en Algérie. Jusqu’en 1962, date de l’indépendance du pays, les régiments de la Légion, stationnés en Afrique du Nord, font partie de l’Armée d’Afrique.
- Les zouaves : la dénomination de zouave vient du berbère zwava, qui est le nom d’une tribu kabyle. Entièrement composés de métropolitains, les régiments de zouaves se couvrent de gloire partout où ils combattent. Leur réputation commence avec l’arrivée des Français en Algérie en 1830 : les Kabyles fournissaient des soldats aux Turcs sous la régence d’Alger ; avec la domination de la France, ils fourniront le Royaume puis la République. Ces unités étaient également remarquables par l’exigence ultime de leur discipline ; d’où l’expression « faire le zouave » : un zouave est capable de tout faire, sur un simple commandement.
- Les tirailleurs algériens : aussi appelés Turcos, les régiments de tirailleurs avaient un recrutement principalement local (à l’époque on dit indigène). Présents sur tous les fronts entre 1842 et 1964, ils se distinguent par leur bravoure : pendant le premier conflit mondial, les 14 régiments de tirailleurs obtiennent 55 citations à l’ordre de l’armée !
- Les chasseurs d’Afrique : après la conquête de l’Algérie, en 1830, le chef d’escadron Marey-Monge et le cavalier Youssouf créent des régiments de chasseurs à cheval, qui prendront rapidement la dénomination de chasseurs d’Afrique.
- Les compagnies méharistes sahariennes : il s’agissait d’unités de l’Armée française, dont le rôle consistait à contrôler et gérer le Sahara français. Equipées en dromadaires, elles sont les sentinelles du désert. Pendant des années, ces compagnies vont protéger les habitants et les commerçants – caravanes – des pillages de tribus insoumises. Elles se chargent également de répertorier, de cartographier et de pacifier ces territoires.
- Les goums : les goumiers marocains étaient des soldats relevant de tabors (bataillons), et de goums (compagnies), alors unités d’infanterie légère de l’Armée d’Afrique. Formés de marocains, encadrés de métropolitains, les goumiers s’illustrent entre 1910 et 1955, date de l’indépendance du pays. Sous le commandement du général Guillaume, les goumiers sont invincibles, obtenant, entre 1942 et 1945, 17 citations à l’ordre de l’armée.
- Les bataillons d’infanterie légère d’Afrique (BILA) : généralement connus sous le nom de Bat’ d’Af, ces unités font aussi partie de l’Armée d’Afrique (qui elle-même dépendit jusqu’en 1962 de l’Armée de Terre). En 1840, ils se rendent célèbres à la bataille de Mazagran.
- Les spahis : ce terme, d’origine turque (sibahis), veut dire : soldat. A l’origine, ce sont des cavaliers fournis par des tribus plus ou moins inféodées à l’Empire ottoman. Lors des batailles, ils se payent sur le terrain, en pillant allègrement. Le grand Youssouf en fait des cavaliers d’élite.
Au cœur de tous les conflits.
Les régiments de l’Armée d’Afrique sont parmi les plus décorés de l’Armée française. Ils sont au cœur de la colonisation d’Afrique du Nord et de l’Afrique noire : Afrique Occidentale Française et Afrique Equatoriale Française. Compte tenu de leur tenue au feu, elles sont également envoyées dans les expéditions lointaines : en Crimée en 1856, en Italie trois années plus tard, au Mexique (ou la Légion étrangère connaîtra le combat fameux de Camerone) en 1861. Bien entendu, l’Armée d’Afrique participera au conflit franco-prussien de 1870-1871.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle enverra plus de 300.000 hommes. Ses unités sont de toutes les batailles. Le général, puis ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, dira : « Je laisse à ceux qui me liront le soin de réfléchir à ce qu’auraient été les événements, si Gallieni sur l’Ourcq et Foch aux marais de Saint-Gond, n’avaient pas eu à leur disposition ces troupes d’élite, plein d’élan et fraîches, s’ils auraient pu remporter de justesse les deux succès qui décideront du sort de la bataille décisive et de la France ». A la fin du conflit, plus de 60.000 « Africains » ne reviendront pas…
Vingt-deux ans plus tard, les troupes de l’Armée d’Afrique prennent part au second conflit mondial. Présent pendant la Campagne de France, les régiments sont surtout sollicités dans le cadre du Corps expéditionnaire Français en Italie (bataille de Monte-Cassino). En août 1944, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, l’Armée d’Afrique débarque en Provence et n’arrête sa progression victorieuse qu’en Allemagne, une fois le Reich allemand définitivement à terre.
Collectionnant prestige, citations et décorations, voici l’exemple du 8e régiment de zouaves, recevant la Légion d’honneur :
«Régiment superbe d'héroïsme et de vaillance qui, pendant quatre ans de guerre, sans jamais faiblir, a dressé devant l'envahisseur la foi sacrée d'une troupe qui sait mourir pour la défense de son sol. Entré le 28 août 1914 en contact de l'ennemi, ils manœuvrent en retraite sans faiblir jusqu'au 8 septembre ou les zouaves s'arrêtent et font face. Au château de Mondement et dans les marais de Saint-Gond, ils battent la garde prussienne. Beaux de dévouement, de courage et de sacrifice, ils dressent, dans la boue de Belgique, à Boesinghe et à Nieuport, le mur inébranlable de leurs poitrines. Le 9 mai, le 16 juin et le 25 septembre 1915, sous les ordres du lieutenant-colonel Modelon, ils se lancent à l'attaque de la crête de Vimy et de la butte de Souain. Le 9 juillet 1916, ils se sacrifient et meurent sur les fils de fer de Barleux. Puis, sous les ordres de lieutenant-colonel Lagarde, ils s'emparent, le 17 avril 1917, du Mont-Sans-Nom, réputé imprenable. Le 20 août, ils éloignent à jamais le Boche de Verdun, la citadelle inviolée. L'année 1918 les trouve prêt encore à toutes les audaces et à tous les sacrifices; le 26 avril, ils attaquent Villers-Bretonneux et barrent la route d'Amiens. Les 29 et 30 mai, alors que menaçant et terrible monte le flot ennemi, ils accourent, se sacrifient héroïquement pour défendre la route de Soissons à Paris. Ils sont encore debout, le 18 juillet, pour pousser de l'avant et chasser l'ennemi de Chaudun et de Charantigny. Et c'est en vain que, du 28 août au 15 septembre, l'ennemi essayera de s'accrocher aux falaises de l'Aisne, de tenir Neuville-sur-Margival et le ravin de Vauxaillon, la fougue impétueuse de ceux qui, par sept fois déjà, les ont vaincus, commencera leur défaite. »
Décret du 5 juillet 1919 portant attribution de la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur au Drapeau du 8e RMZ - Le Président de la République
Sources :
- Encyclopédie Universalis, dictionnaire Larousse, encyclopédie Wikipédia.
- André Castelot et Alain Decaux : Histoire de la France et des Français, Larousse.
- Service historique de la Défense – Site « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.
- Pierre Miquel : Les poilus d’Orient, Fayard, 1998 ; La poudrière d’Orient, Fayard 2004 ; Le gâchis des généraux, Plon 2001 ; Les Poilus, Plon, 2000 ; Je fais la guerre, Clemenceau, Taillandier, 2002 ; Les Enfants de la Patrie, Fayard, 2002.
- Les troupes coloniales dans la Grande Guerre – L’Armée d’Afrique, par Léon Rodier.
- L’Armée d’Afrique, Historama, n° 10, 1970.
- Histoire de l’Armée française en Afrique, par Anthony Clayton, Ed. Albin Michel, 1994.
- L’Armée d’Afrique, 1830-1962, par Robert Huré, 1830-1962, ED. Lavauzelle, 1977.