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Réserve Citoyenne du Gouverneur militaire de Paris

Réserve Citoyenne du Gouverneur militaire de Paris

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Général Glavany : ma guerre d'Algérie - Partie 2.

Publié par Réserve Citoyenne Armée de Terre IDF sur 1 Août 2017, 13:17pm

Catégories : #Mémoire

Alger en 1960 - Une barricade.

Alger en 1960 - Une barricade.

 

« L’affaire des barricades ».

 

« Le 20 janvier 1960, une courte permission me permit de regagner Paris après avoir eu, fort heureusement, le temps de prendre une douche à Alger chez mes oncle et tant Delye. Le bonheur familial du retour, pour aussi bref qu’il fut, ne se décrit pas. Durant cette permission, éclatèrent, le 24 janvier, les premières émeutes d’Alger. Joseph Ortiz, Pierre Lagaillarde, et leurs amis algérois, qui ne pouvaient admettre l’auto-détermination annoncée par le général de Gaulle, avaient bâti leur petit camp retranché dans le quartier des facultés et la 10ème D.P., une fois de plus, avait été appelée à la rescousse.

 

De retour à Alger, j’allai saluer le général Gracieux qui avait établi son PC provisoire dans une villa du haut de la ville et faisait donner le 1er REP du colonel Dufour et le 1er RCP du colonel Broizat. Je le trouvai un peu tendu, mais aussi amical qu’à l’accoutumée et j’allai rejoindre en Kabylie, sur le vrai terrain, le reste de la division aux ordres de mon cher colonel Ceccaldi.

 

Cette affaire d’Alger, petite affaire au demeurant, eut de graves conséquences. Le général Gracieux, au bout de quelques jours, avait obtenu la reddition de ces nouveaux rebelles sans effusion de sang. Mais on lui reprocha d’avoir un peu trop laissé traîner les choses et d’avoir toléré un certain degré de fraternisation entre les hommes d’Ortiz et les deux régiments. Alors, les sanctions tombèrent. Le 1er RCP nous quitta pour rejoindre la 25ème D.P. Il fut remplacé par le 9ème RCP alors commandé par un colonel presqu’aussi fameux que Bigeard, bien qu’il eut plus de réserve, le colonel Bréchignac. Mais surtout le général Gracieux dut quitter le commandement de la 10ème D.P. et ce fut une erreur impardonnable. Le général Gracieux d’un loyalisme, pour moi, au-dessus de toute crainte, avait sa division parfaitement en mains et ses officiers lui obéissaient presque aveuglément. Son absence, dix-huit mois plus tard, fit le jeu du destin. »

 

 

Bernard de Saint-Hillier.

 

« En Kabylie, au moment où, enfin, la neige disparaissait, la boue séchait, les premières couleurs du printemps embellissaient les montagnes, la D.P. continua son combat. Le général de Saint-Hillier en prit le commandement. Massif, ironique, gaulliste de la première heure, héros de Bir-Hakeim, Bernard de Saint-Hillier était un beau soldat que j’admirais et que je servis avec plaisir. Après lui, nous rejoignit, sur nos crêtes, le commandant de Saint-Mars, ancien de la division, qui avait pris un congé pour tenter une reconversion dans les affaires mais qui n’avait pu résister à un nouvel appel des armes. C’était un homme d’une grande courtoisie, agréable camarade, soldat incontesté, dont le rôle devait être prééminent en 1961.

 

Nous eûmes aussi l’honneur de la visite de notre nouveau ministre des Armées, Pierre Messmer, qui venait de succéder à Pierre Guillaumat et qui, quelques semaines auparavant, effectuait une période auprès du 2ème REP que commandait Jacques Lefort, mon ami. Je n’aurai pas l’outrecuidance de présenter Pierre Messmer, qui fut des années durant mon voisin de Saint-Gildas de Rhuys, dans le Morbihan. Il eut l’obligeance de m’accorder à part un assez long entretien sur les problèmes aéronautiques, ce qui surprit mes camarades. Combien eut-il été utile qu’il mit les points sur les « i ».

 

Après un saut de trois jours à Paris pour recevoir la Grande Médaille d’Or de l’Aéro-club de France pour mon vol Mach 2 – le baron des Mach, disait Saint-Hillier – je revins pour démonter les tentes. Le « PC Artois » avait vécu. Nous quittâmes ces sommets le 4 avril 1960 et je ramenais mon cirque, cahin-caha, à Blida. Je venais de passer six mois inoubliables. Notre guerre continuait dans l’incertitude et l’amertume grandissante de mes camarades parachutistes. »

 

Combats à la frontière tunisienne.

 

« Nous mîmes le cap à l’est vers Guelma et la frontière tunisienne, où l’on craignait une pénétration en force de l’A.L.N. (Armée de Libération Nationale), bien abritée en Tunisie. Nous survolions en Alouette des zones interdites, sans âme qui vive, vertes et boisées, où les cerfs, les biches et les sangliers s’enfuyaient au bruit de nos voilures tournantes. Parfois, l’A.L.N. tentait, par petits groupes, un coup de main et revenait rapidement derrière la frontière. Le 16 mai 1960, la 10ème D.P. leur courut après. Ce fut au nord-est de Munier, par une belle journée de printemps et le 1er REP conduisit la chasse qui le mena très vite à la frontière et à l’accrochage. Le patron me demanda l’appui aérien et je le fis donner massivement à partir de Bône avec tous les moyens disponibles jusqu’aux B26 « Invader ». Le général X, chef du corps d’Armée, vint en hélicoptère au PC avancé et me demanda courtoisement quelques explications sur ces fumées qu’on voyait s’élever à la frontière. Je les lui donnai, il en eut l’air satisfait. Le lendemain ne fut pas pour moi un jour de fête puisque le général X m’accusait d’avoir outrepassé mes limites d’intervention, d’avoir risqué l’incident avec la Tunisie (un nouveau « Sakiet ») et exigeait à mon encontre les arrêts de rigueur. Mais « Calumet zéro » veillait. Qui était « Calumet zéro » ? C’était l’indicatif personnel bien connu du général Philippe Maurin, alors commandant du Groupement Aérien Tactique de Constantine. Il prit tout sur lui comme il savait le faire et je passai à travers les gouttes une fois de plus. »

 

Gala de solidarité en Algérie. Au centre, le général Saint-Hillier.

Gala de solidarité en Algérie. Au centre, le général Saint-Hillier.

 

Dans le Hodna.

 

« Ainsi s’acheva notre garde à la frontière. Nous repartîmes immédiatement pour le Hodna, au sud-ouest de Constantine, pour un rodéo d’un mois, aux premières lourdes chaleurs de juin, dans un paysage extraordinaire où se succédaient, du nord au sud, les collines boisées du Hodna même, la plaque grise et salée du Chott El Hodna, les monticules pierreux du Méharga et les premiers sables d’un désert que les Algériens appellent déjà Sahara. Héliportages sur héliportages, PC tactiques dans les cailloux, nuits à la belle étoile, fatigue et soif, nous poursuivions les fellaghas, repérant, tirant et tuant, tandis que commençaient à Melun les premiers pourparlers avec le F.L.N. (Front de Libération Nationale). Nous donnions le meilleur de nous-mêmes dans ces sites admirables pour une course sans fin qui ne résolvait rien. »

 

Dans le massif de l’Ouarsenis.

 

« On nous expédia ensuite très loin dans l’ouest, dans le massif de l’Ouarsenis, au sud d’Orléansville, où je retrouvai, à la tête du P.C.A. local, mon camarade Jean-Pierre Rozier, ancien pilote d’essais comme moi. Et ce fut le même enchaînement de reconnaissances, d’appuis-aériens et de tirs « Pirate » au soleil d’août qui rendait nos Alouettes brûlantes. Comme assez souvent depuis l’Akfadou, fidèle à mes souvenirs de sous-lieutenant du 1er choc, je participai au sol aux opérations et j’eus, un jour, à connaître le capitaine Sergent du 1er REP dans un « coup » assez rude. Après quinze jours de détente en Bretagne, je rejoignis le PC du général Saint-Hillier, d’abord à Molière – un nom qu’on ne retrouvera plus jamais sur les cartes – puis à Teniet-el-Haad en bordure de la plus belle forêt de cèdres d’Algérie, une des dernières. Nous poursuivîmes ces opérations jusqu’à la fin du mois de septembre, jusqu’à l’évanouissement total des fellaghas réfugiés ailleurs.

 

Dans ces régions, nous n’avions plus alors en face de nous de grande « katibas » organisées et pouvions, à juste titre, considérer que nous étions vainqueurs sur le terrain. Mais le terrorisme urbain persistait et, sur le terrain même, des petites bandes fluides nous condamnaient à attaquer, à attaquer sans cesse et à tuer. Totalement intégré à cette division parachutiste dont j’étais solidaire, je restais néanmoins un aviateur et gardais ma liberté d’esprit et de jugement. Si je n’étais pas lassé des combats – car l’allégresse des combats, cela existe – je voyais avec consternation ce beau pays peu à peu crucifié tandis que l’amertume des officiers montait tout autour de moi devant une politique qu’ils ne comprenaient point. »

 

Dans les Aurès.

 

« Et nous repartîmes encore, le 4 octobre 1960, cette fois pour les Aurès. Henri Maslin, mon second durant près d’un an, me quitta. Le lieutenant Jacques Clerget le remplaça.

 

A 100 km au sud de Constantine, les Aurès constituent une unité géographique très caractéristique et très belle. Des crêtes successives, orientées du sud-ouest au nord-est, séparées par des vallées profondes, y culminent à plus de 2300 mètres dans le Djébel Mahmel et le Djébel Chélia. La population très faible était concentrée dans les vallées. Nous nous posions parfois en hélicoptères sur des sommets vierges de toute trace humaine et ramassions à chaque pas des fossiles, coquillages et ammonites, vieux de millions d’années et si étranges sur ces hauteurs. Mais c’était aussi un pays d’insoumission séculaire où des hommes rudes vivaient, par tradition, de brigandage et de coups de main, guerriers entraînés que nous allions connaître.

 

Le P.C. de la division s’établit d’abord à Arris puis, très vite, sur un sommet voisin beaucoup plus propice aux liaisons radio indispensables. Les régiments se mirent en chasse des pentes du Chélia à celles du Mahmel.

 

Immédiatement, les accrochages furent très meurtriers pour nous comme ils ne l’avaient jamais été depuis plus d’un an. Tireurs d’élite, les fellaghas restaient retranchés sur les crêtes. Donner l’assaut se soldait par des pertes inadmissibles. A chaque passage d’Alouette, nous étions « tirés » de telle sorte qu’il nous était impossible de baliser l’objectif pour l’aviation d’appui, T6 de Batna ou chasse lourde, et devions nous contenter d’un guidage radio approximatif. Clerget et moi tournions chacun à quatre missions par jour avec nos pilotes habituels d’Alouette, Bobet, Boyer, Baudoin : guidage de tirs « Pirate » à 30 mètres devant les nôtres, héliportages au sommet du Chélia aux limites opérationnelles des H34, anéantissement d’une bande avec le patron du 9ème RCP, évacuation de blessés sous le feu, guidage de la chasse, tout y passa et nous prîmes des risques parce que nos camarades étaient tombés par dizaines. »

 

Les adieux.

 

« J’effectuai ma dernière mission le 6 novembre 1960. La dernière parce que l’Armée de l’Air avait décidé ma relève et que mon remplaçant, le commandant Germain, venait d’arriver. Avant de partir, je sollicitai l’honneur de passer une semaine sur le terrain avec le 9ème RCP : il me fut accordé.

 

Vint le moment des adieux. J’allai en Alouette, de piton en piton, saluer les colonels. Le colonel Balbin avait fait monter pour moi, de la vallée, une bouteille de champagne, chaude, et nous trinquâmes dans nos quarts métalliques à ce qui restait de plus sûr, c’est-à-dire l’amitié. Puis je saluai le général Saint-Hillier. Quand mon Alouette décolla, un piquet d’honneur présenta les armes.

 

Quelques jours plus tard, j’étais à Alger. Je réglais quelques dernières formalités. Le commandant de Saint-Mars, alors à la base arrière, me donna rendez-vous à l’hôtel Aletti avec quelques officiers pour m’offrir le cadeau de départ de la 10ème D.P. : un très beau panneau de bois orné de tous les insignes des régiments de la division et que j’ai précieusement conservé.

 

Ainsi se terminait mon parcours algérien. Je laissais derrière moi bien des parachutistes inquiets de leur avenir. Quelques mois plus tard, le putsch d’Alger éclata. Il était prévisible. J’y étais formellement opposé mais j’en comprenais trop les motivations.

 

Je retrouvai Paris et le bonheur de la famille. J’eus la chance d’être affecté au cabinet du général Lavaud, premier Délégué ministériel pour l’Armement et patron exemplaire. Je plongeai dans le travail d’état-major. Je savais depuis longtemps que le travail était le meilleur antidote mais pour oublier le drame algérien, il me fallut beaucoup, beaucoup d’années. »

 

 

Général Roland Glavany, grand-croix de la Légion d’honneur.

 

Chasseurs-parachutistes du 9e RCP en mission - Djébel Chelia - 1959.

Chasseurs-parachutistes du 9e RCP en mission - Djébel Chelia - 1959.

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