Etre à Omaha Beach.
Angelo Marsella (flèche) est né le 28 mars 1925 dans la ville de Philadelphie, en Pennsylvanie (USA). A l'âge de 18 ans en 1943, il décide de s'engager dans la Marine. Le 7 juin 1943, il commence un entraînement intensif en compagnie de nombreuses autres recrues à l’U.S. Naval Training Center situé dans ville de Bainbridge dans le Maryland (USA). Voici le témoignage de cette journée au large des côtes Normandes, le 6 juin 1944, à bord du L.S.T. 281… (NB : Le LST – Landing Ship Tank – est un Bâtiment de débarquement de chars).
« Après avoir reçu mon diplôme de la base d'entraînement de Bainbridge, j'ai reçu l'ordre de me présenter à l'Amphibious Naval Base située à Solomons dans le Maryland, pour y suivre de nouveaux entraînements maritimes. Par la suite, j'ai été envoyé à bord d'une embarcation de débarquement pouvant transporter plusieurs chars. Il s’agissait du 281.
Basé dans différents ports du Sud de l'Angleterre, le 281 fut engagé dans de nombreux exercices de débarquement préparant l'invasion par les côtes françaises. A la fin mai 1944, le 281 avait terminé sa période d'exercices. Nous avions alors reçu un grand nombre de personnels militaires supplémentaires et parmi eux se trouvaient : le Lieutenant Mitchell Jamieson (artiste peintre de la Navy), 2 médecins de la Navy, 25 assistants pharmaciens, des plongeurs-démineurs, et des soldats avec leur équipement. Le Lieutenant Jamieson a organisé des simulations de transport de blessés dans les quartiers de l'équipage.
Le 2 juin 1944, le 281 jeta l'ancre dans la Dart River en compagnie d'autres L.S.T., où nous avions attendu le signal d'invasion. Nous savions que l'invasion débuterait le 5 juin. Puis nous fîmes route en dehors du port de Dartmouth, avec 2 destroyers américains, 2 vedettes de sauvetage américaines et d'autres L.S.T. Puis nous furent mis au courant du retardement de 24 heures de l'invasion et nous fîmes des cercles dans la Manche
Le 6 juin 1944, vers 3 heures du matin, le 281 atteignit la zone prévue ; nous étions à environ 6 miles des côtes Normandes. A 3 heures 30, l'équipe de plongeurs-démineurs descendit le long de la coque du L.S.T. au moyen des filets. Leur travail était de localiser et de déplacer les obstacles submergés. Du fait de la présence de ces plongeurs-démineurs sur le bord du 281, 4 autres L.S.T prirent la tête du convoi, derrière les dragueurs de mines qui dégageaient une voie pour les bâtiments de l'invasion. En dehors de la voie dégagée par les dragueurs, la mer était infestée de mines allemandes
La nuit du 6 juin, nous n'étions pas ancrés très loin de la côte normande et heureusement pour nous, un navire Britannique nous prévint que nous avions perdu notre ancre, que nous dérivions vers un champ de mines et qu'il nous fallait trouver un nouvel endroit où ancrer.
Une fois les plongeurs-démineurs partis, nous reçûmes l'ordre de nous diriger vers Utah Beach. L'activité à bord du 281 devenait soudain de plus en plus importante, tout comme notre peur. Mon poste de combat se situait à l'avant bâbord, à la mitrailleuse de 20 millimètres. Je pouvais voir les balles traçantes et entendre les tirs d'armes automatiques tout autour de nous.
Le 281 approchait de plus en plus de la plage d’Utah Beach. C’est là que j'ai vu de nombreux corps de soldats américains flotter dans l'eau, ainsi que plusieurs épaves. Ce fut une terrible chose pour moi d'être le témoin d'une telle scène. Cela m'a beaucoup perturbé, et aujourd'hui encore, je peux toujours voir ces soldats flottant dans l'eau. A ce moment précis, j'étais en état de choc. Je me sentais concerné par la mort de ces hommes. Je me souviens avoir dit à mon compagnon de bord : mais qui va leur venir en aide ? Puis je me suis souvenu que les deux vedettes d'assistance qui nous accompagnaient avaient la responsabilité de récupérer ces soldats, qu'ils soient morts ou vivants.
Au loin, je vis deux éclairs monter dans le ciel, et sur ma gauche, le navire de guerre U.S.S. Nevada ouvrir le feu en direction de la côte ennemie avec ses canons de 400 millimètres. A ce moment, nous étions très proche de Utah Beach, mais nous reçûmes l'ordre du Bataillon de plage de ne pas accoster directement sur le sable, mais de débarquer notre transport en mer. Durant les premières heures, nous débarquâmes les hommes et le matériel que nous avions transporté depuis l'Angleterre. Avec la présence de nombreuses vagues, la tâche n'était pas facile. Ce débarquement causa beaucoup de dégâts à notre navire et un certain nombre des hommes d'équipage fut légèrement blessé.
Une fois la cargaison en hommes et en matériel débarquée, le 281 se transforma en un navire hôpital auxiliaire. Les premiers blessés que nous avions embarqués provenaient du dragueur Osprey. Il avait heurté une mine. L'U.S.S. Correy, l'un de nos navires d'escorte, avait également touché une mine. Les survivants de ces deux bâtiments étaient sévèrement brûlés. Je me souviens que certains des soldats que nous avions embarqués étaient très gravement touchés. Je peux décrire un de ces soldats, qui avait été touché de manière très violente à la tête.
Les navires de guerre tiraient toujours en direction de la plage. Au-dessus de nos têtes, une importante quantité d'avions alliés volait en direction du rivage ennemi. L'équipe médicale et les membres d'équipage du 281 firent de leur mieux pour que les blessés aient un voyage confortable jusqu'en Angleterre.
Le 9 juin, le 281 quitta à nouveau le port de Southampton avec à son bord un transport complet de soldats américains équipés. Une fois notre L.S.T. au sec, je marchai sur la plage avec quelques uns de mes camarades et j'y vis plus de corps et d'épaves que sur Utah. Nous en parlâmes avec des soldats américains présents sur la plage. Ils m'assurèrent qu'ils s'occuperaient des corps des soldats tués. Nous leur avions également parlé des corps de soldats allemands morts que nous avions vus dans le secteur de la plage. Ils nous répondirent qu'ils seraient juste recouverts de terre par des bulldozers.
Globalement, durant cette période, le 281 a effectué 5 voyages pour acheminer des renforts en hommes et en matériel. Beaucoup de choses se sont passées le Jour J, mais voilà ce dont je me souviens. »
Sources :