Au 19e RAC.
Pierre Sauce nait le 28 février 1886, à Saint-Denis, dans ce qui était autrefois le département de la Seine. La France est en pleine tourmente revancharde vis-à-vis de l’Allemagne. Sur recommandation de Georges Clemenceau, le Président du conseil Charles de Freycinet vient de nommer le général Georges Boulanger, ministre de la Guerre. Ce dernier, populaire par les réformes qu’il entreprend, l’est également par ses discours provocateurs vis-à-vis de l’ennemi éternel.
En 1914, Pierre Sauce rejoint le 19e régiment d’artillerie de campagne (RAC) alors stationné à Nîmes. Comme toutes ces unités, le RAC est composé de trois ou quatre groupes d’artillerie, chacun piloté par un capitaine. Le groupe est lui-même formé de trois batteries de quatre canons de 75 mm. Le 19e RAC est rattaché à la 30e division d’infanterie où il sert, entre autres, de préparation aux offensives. Les RAC sont tous hippomobiles : les canons et les équipements complémentaires sont tirés par des chevaux. Les camions et autres véhicules automobiles ne feront leur apparition qu’à partir de 1917.
Au déclenchement de la Grande guerre, le 19e RAC est employé à la IIème armée, dirigée par le général Curières de Castelnau. Il participe aux offensives en territoire allemand avant de contenir la poussée ennemie et d’enclencher la victoire de la Marne. L’année suivante, le 19ème est envoyé en Argonne ; en 1916, il contribue à la victoire de Verdun. En 1917, avec la 30e division d’infanterie, le régiment part en Orient.
En Orient.
C’est à Topsin, le 17 juillet 1917, que Pierre Sauce trouve la mort. Topsin est situé dans le nord de la Grèce, aux confins des frontières actuelles de la Bulgarie et de la République de Macédoine. Malade depuis des semaines, Pierre Sauce succombe dans l’ambulance des suites d’un « embarras gastrique fébrile avec un accès pernicieux ». Plus tard son corps est rapatrié et inhumé dans le carré militaire de Bois-Colombes.
Mais qui se souvient que des soldats français ont fait
Ouvrir un second front.
A la fin de l’année 1914, la situation semble inextricable. Après les offensives et les longs mouvements de conquête et de retraite de l’automne, les Alliés, comme les armées des Empires centraux, se sont enterrés dans des tranchées. Au cours de cette première année de guerre les pertes sont déjà phénoménales. La France a vu mourir plus de 500.000 de ses soldats.
Winston Churchill, alors Premier lord de l’Amirauté (ministre de la Marine britannique), défend l’idée de l’ouverture d’un second front en Europe, et du côté des Balkans. Dans un triple objectif : ravitailler l’Armée russe via
Gallipoli.
Une expédition maritime est proposée et envoyée. Sans grand succès. La présence de mines, de côtes fortifiées (donc difficiles à bombarder) et de nombreux sous-marins allemands ne facilitant pas les manœuvres. Une nouvelle expédition est menée. Elle est terrestre et consiste en l’envoi d’un premier contingent de 75.000 soldats anglo-français (auxquels il convient d’ajouter des unités australiennes et néo-zélandaises) sur la presqu’île de Gallipoli, à l’entrée du détroit des Dardanelles. C’est une catastrophe : les soldats sont littéralement hachés par l’artillerie ottomane, sous le commandement du général allemand Liman von Sanders. Un second débarquement se déroule quelques semaines plus tard pour renforcer un dispositif déjà à bout de forces. Il ne fait qu’ajouter des morts. Les anglo-français doivent abandonner les lieux. Leur chef, le général Gouraud, vient de quitter le front, amputé du bras droit. Les Alliés réussissent néanmoins à sauver environ 100.000 hommes et les faire débarquer à Salonique, en Grèce, pays alors neutre, quoique soupçonné de docilité vis-à-vis de l’Allemagne.
Là, les soldats n’ont pas le temps de se refaire une santé. Le corps expéditionnaire devient l’Armée d’Orient et tente de faire la jonction avec les restes de l’Armée serbe qui vient de traverser la Macédoine, du nord au sud. La Serbie avait connu au début de la guerre quelques victoires, avec notamment la reprise de la ville de Belgrade, mais les défaites se sont accumulées par
Le camp de Salonique.
Salonique se transforme alors en un immense camp militaire retranché, sous la menace permanente des armées allemandes, austro-hongroises et bulgares. L’Armée grecque s’est interposée entre les deux et tente d’éviter le pire. Au sommet de l’Etat grec les dissensions entre le Premier ministre, Vénizelos, partisan de la Triple-Entente (France, Russie, Empire britannique) et le roi Constantin 1er, pro Empires centraux, sont plus vives que jamais. Et les soldats alliés enfermés ne peuvent qu’attendre les ordres.
Un officier français, José Frappa, se souvient avec détails du quotidien éprouvant des soldats : « Harcelés par les moustiques et les mouches dengues, ils grelottaient de fièvre, vomissaient une bile âcre et, soudain, anémiés, la figure émaciée, les yeux jaunes, s'écroulaient secoués par un grand frisson de froid auquel succédaient des transpirations déprimantes ». Aussi, pour combattre la dysenterie, la malaria, le paludisme, la malnutrition et le scorbut, ils collaborent à l’assèchement des marais et se mettent à cultiver
De leurs côtés, les états-majors s’affèrent pour mettre en place des unités dignes de ce nom. Le général français Maurice Sarrail tente un équilibre : ne pas déplaire aux Grecs, qui sont toujours neutres, faire attention aux espions allemands, bulgares ; faire régner l’ordre entre les troupes françaises, serbes, anglaises, australiennes, néo-zélandaises, italiennes, russes, sans oublier les contingents indiens et africains.
En 1916, sollicitée des deux côtés, la Roumanie entre finalement en guerre en se rapprochant des Alliés. Dans le même temps, le général Sarrail voit les Grecs dégarnir les postes qui sont sensés protéger les Alliés. Sarrail décide de sorties : les Serbes attaquent les premiers et reprennent aux Bulgares les monts menaçant la plaine de Salonique. De leur côté, les Français entrent en Macédoine et fixent les troupes germano-bulgares. L’aide des Roumains est de courte durée : à la fin de l’année 1916, le pays est entièrement envahi par les puissances centrales. Tout au long de l’année suivante, quelques combats sporadiques opposent les deux camps.
L’offensive victorieuse de 1918.
Il faut attendre 1918 pour que l’offensive majeure se déroule. Au cours de 1917, le général Adolphe Guillaumat s’est ingénié à remonter le moral des troupes, à les entretenir et surtout à les soigner. Les épidémies sont enfin endiguées. Le général contribue aussi fortement à l’implantation d’un état-major interallié, suffisamment solide et intelligent pour ne froisser aucun des pays contributeurs, tout en permettant des décisions rapides et efficaces. De plus, les Grecs finissent par s’engager dans le conflit aux côtés des Alliés. Le camp de Salonique n’est plus retranché ! Le temps de la reconquête est arrivé.
En juin 1918, rappelé à Paris par le nouveau président du Conseil, Georges Clemenceau, le général Guillaumat est remplacé par le général Louis Franchet d’Espèrey, qui peut enfin mettre en œuvre la globalité du plan élaboré par son prédécesseur. Le 15 septembre 1918, avec l’accord des gouvernements anglais et italiens, Franchet d’Espèrey lance les armées alliées à la reconquête des Balkans. A l’est, les soldats anglais et grecs attaquent en direction de la Bulgarie (vallée du Vardar). Au centre, les Français et les Serbes, progressent rapidement et s’emparent de l’ensemble de leurs objectifs. L’un des épisodes les plus fameux de cette offensive reste la dernière charge de cavalerie de l’Armée française : sous le commandement du général Jouinot-Gambetta, la brigade à cheval des chasseurs d’Afrique réussit un raid de plus de
Pendant ce temps, Franchet d’Espérey continue sa marche en avant et se dirige maintenant vers Bucarest, capitale de
Mais pour l’Armée d’Orient, la guerre n’est pas encore terminée.
1919.
L’Armée Française d’Orient est à nouveau rebâtie pour se transformer en trois unités :
- - L’Armée du Danube : commandée par le général Berthelot, elle est constituée des unités qui sont stationnées en Roumanie, d’abord à Bucarest puis dans le delta du Danube. Il s’agit de faire face aux nouveaux ennemis : les Russes bolchéviques qui eux sont positionnés en Moldavie (sous domination russe à l’époque).
- - L’Armée de Hongrie, sous le commandement du général Labit, est chargée de mettre fin aux agissements des bolchéviques hongrois.
- - Le Corps d’Occupation de Constantinople, a pour mission de faire régner l’ordre dans une partie de ce qui est bientôt l’ancien Empire ottoman.
Face aux « Rouges » et en appui des Russes « Blancs » (tsaristes), les troupes françaises vont stationner et se battre pendant plus de cinq mois après la fin officielle de
Sources :
- Encyclopédie Universalis, dictionnaire Larousse, encyclopédie Wikipédia.
- André Castelot et
- Service historique de la Défense – Site « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.
- Pierre Miquel : Les poilus d’Orient, Fayard, 1998 ; La poudrière d’Orient, Fayard 2004 ; Le gâchis des généraux, Plon 2001 ; Les Poilus, Plon, 2000 ; Je fais la guerre, Clemenceau, Taillandier, 2002 ; Les Enfants de la Patrie, Fayard, 2002.
- Pierre Gosa : Franchet d’Espérey, Nouvelles Editions Latines, 1999.
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- Site internet www.chtimiste.com sur l’historique des régiments d’artillerie.
- Journal de Marche du 19ème RAC.
- Journal de Marche de la 30ème division d’infanterie
- Journal de Marche du Corps Expéditionnaire d’Orient