Le prix du sang.
« Sur le sol d’Italie, de novembre 1943 à juillet 1944, le corps expéditionnaire français armé sur la terre d’Afrique a marqué du sang de 7.000 des siens la route victorieuse qui l’a conduit de Naples à Sienne avant son élan pour la libération de la France. Passant, songe que ta liberté a été payée de leur sang ! »
Telle est la dédicace que l’on peut lire au cimetière français de Venafro en Italie. Dans son ouvrage Vaincre sans gloire (Ed. Les Belles Lettres), l’historienne Julie Le Gac explique comment le Corps Expéditionnaire Français en Italie (CEFI) sombra dans l’oubli très rapidement : « Le souvenir de son chef, Alphonse Juin, seul général de la Seconde Guerre mondiale à avoir été consacré maréchal de son vivant, est éclipsé par celui des libérateurs de la France, Leclerc et de Lattre. La bataille de Monte Cassino, point d’orgue d’affrontements âpres et meurtriers en Italie, résonne désormais de manière fort lointaine dans la mémoire collective. Le terme même de « corps expéditionnaire » obscurcit, par sa technicité, l’humanité de l’histoire des combats d’Italie ».
Indigènes.
Le CEFI a été constitué en novembre 1943, en Afrique du Nord, à partir d’unités de l’armée d’Afrique ayant participé à la campagne de Tunisie, renforcées, au fil du temps, par une mobilisation de 176.000 Européens et 223.000 « indigènes » provenant d’Algérie, du Maroc et de Tunisie. Tous ne partiront pas en Italie car nombre d’entre eux sont encore en formation quand le CEFI est retiré du front en juillet 1944 pour être du débarquement de Provence, le mois suivant, auquel participeront de nouvelles recrues.
A son apogée en mai 1944, le CEFI comptait 120.000 hommes sur les 600.000 soldats alliés présents en Italie. Si la majorité des officiers (souvent métropolitains) et au moins deux tiers des sous-officiers étaient européens, le CEFI était composé à 60 % de maghrébins. Ces derniers formaient jusqu’à 88 % de la troupe dans l’infanterie (tirailleurs ou goumiers) tandis que les Européens servaient dans les armes dites « techniques » (cavalerie blindée, artillerie et génie) et quelques-uns dans des régiments de tirailleurs, comme des spécialistes antichars, transmetteurs, etc…
Les unités principales étaient, par ordre d’entrée sur le théâtre, la 2e division d’infanterie marocaine, la 3e division d’infanterie algérienne, la 4e division marocaine de montagne et la 1ère division française libre. Les 1er, 3e et 4e groupes de tabors marocains (bataillons de soldats appartenant à des goums marocains – unités d’infanterie légère – sous encadrement français) ont joué également un grand rôle. Trois mille femmes ont servi dans les transmissions, le service de santé, etc…
Le CEFI s’est illustré tout au long de la campagne : en décembre 1943 dans la conquête du Pantano et de la Mainarde, puis dans celle du Belvédère en janvier 1944. Au printemps, il a participé à la rupture de la ligne Gustave avant d’entrer dans Rome avec les Américains, puis de remonter vers Sienne. Sur 6.287 tombes actuellement dans les cimetières militaires français en Italie, 4.272 sont des sépultures musulmanes. Plus de 11% des officiers français engagés en Italie y ont trouvé la mort. Le nombre de blessés du CEFI, maghrébins et européens, s’élèvera à plus de 25.500.
Le CEFI a été commandé du début à la fin par le général Juin. « Il était aimé par nous car c’était un des nôtres, s’est souvenu Henri Orsoni, un rapatrié d’Algérie. Son père était gendarme à Constantine donc c’était un pied-noir comme nous. Et il était simple, abordable. Oui, c’était quelqu’un de valeur ».
Souvent décrit comme le plus sportif français du 20e siècle, le champion d’athlétisme Alain Mimoun a combattu dans les rangs du CEFI. Né Ali Mimoun Ould Kacha dans une famille pauvre d’agriculteurs algériens, il était caporal au 83e bataillon de génie de la 3e DIA, quand il a été grièvement blessé en janvier 1944, évitant de justesse l’amputation de sa jambe.
La légende Alain Mimoun.
Athlète reconnu régionalement, Alain Mimoun signe un contrat avec le Racing Club de France après le rétablissement de ses blessures et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dès 1947, le jeune homme domine les courses de fond en France : il est sacré champion sur 5.000 et 10.000 mètres. A l’international, son principal adversaire – qui deviendra aussi son ami – est le Tchécoslovaque Emile Zatopek. Ainsi en 1948, Mimoun doit se contenter des médailles d’argent aux Jeux olympiques de Londres, sur 10.000 derrière Zatopek. Il en sera de même quatre ans plus tard aux jeux d’Helsinki. En 1956, Alain Mimoun prend sa revanche et remporte le marathon des Jeux de Melbourne. Ce jour-là il porte le dossard n°13.
En plus de vingt années de compétitions, Alain Mimoun va remporter 32 titres de champions de France, 4 médailles olympiques, 2 aux championnats d’Europe, 6 au Cross des Nations. En 1963, après les Accords d’Evian, il demande sa « reconnaissance de nationalité française ». En 2002, à Argenteuil en Région parisienne, il assiste à l’inauguration du 50e stade portant son nom.
Admis à l’hôpital militaire Bégin à Saint-Mandé, il y meurt dans la soirée du 27 juin 2013. Un hommage national lui est rendu en présence du Président de la République, le 8 juillet dans la cour d’honneur des Invalides. Un bâtiment de l’hôpital militaire porte maintenant son nom « Halle Caporal Alain Mimoun ».
Aujourd’hui, en France, des centaines de rues, de stades, d’écoles (…) portent le nom d’Alain Mimoun. A Paris, le stade Alain Mimoun se trouve rue de la Nouvelle Calédonie, dans le 12e arrondissement.
Sources :
- Encyclopédie Wikipedia.
- Encyclopédie Larousse.
- Extrait de TIM (Terre Info Magazine) n°250 décembre 2013 (texte Bernard EDINGER).
- Crédit photographie – Site « lechoduchampdebataille.blogspot.com »
- Crédit photographique – Journal Libération.