Marie-Angélique Duchemin, fut la première femme à recevoir la Légion d’honneur, la première femme officier dans l’Armée française et la première femme admise à l’Hôtel des Invalides.
C’est le 20 janvier 1772, à Dinan, en Bretagne, il y a donc 250 ans cette année, que Marie-Angélique Duchemin vient au monde. Son père est un soldat de métier, que la famille suit au gré des affectations. Ses oncles sont aussi des soldats, et son parrain est tout naturellement choisi parmi les camarades de régiment de la famille. L’un d’eux, singulièrement dénué de prescience, ne manque pas de dire « Angélique, c’est dommage que tu ne sois pas un garçon, tu ferais un bon soldat » !
En 1789, Marie-Angélique épouse le caporal André Brûlon. Deux ans plus tard, celui-ci est mortellement blessé en Corse, lors d’un combat entre révolutionnaires et indépendantistes. Marie-Angélique est enceinte de son deuxième enfant ; pas question pour elle, néanmoins, de quitter l’armée. Elle s’engage donc dans le 42ème régiment de son mari (qui était le régiment de Limousin avant la Révolution), par autorisation du général de Casabianca, qui commande la défense de Calvi. Elle hérite le grade son mari, caporal, et elle est affectée au magasin du régiment en tant que fourrier. Mais c’était mal connaître Marie-Angélique que d’imaginer qu’elle allait s’occuper sagement de l’intendance. Tout en veillant sur ses enfants, elle participe aux combats, notamment à Calvi, où elle montre son courage et sa détermination, le 24 mai 1794, alors qu’elle assure la défense du fort de Gesco. Son nom de combat est désormais « Liberté ». Elle galvanise, encourage, va chercher les blessés, sort pour faire le coup de feu avec les assaillants, et bien que blessée elle-même, elle part de nuit pour trouver des munitions. Faisant fonction de sergent, elle s’occupe aussi d’une pièce d’artillerie de gros calibre. Notons que c’est au cours du siège de Calvi que le futur amiral Nelson, figurant parmi les troupes anglaises qui attaquent la Corse, perd l’usage de son œil droit.
Les camarades de combat de Marie-Angélique ne manqueront pas de lui rendre un vibrant témoignage :
« Nous soussignés, caporal et soldats du détachement du 42e régiment, en garnison à Calvi, certifions et attestons que, le 5 prairial an II, la citoyenne Marie Angélique Josèphe Duchemin, veuve Brûlon, caporal fourrier, faisant fonction de sergent, nous commandait à l'affaire du fort de Gesco ; qu'elle s'est battue avec nous avec le courage d'une héroïne ; que les rebelles corses et les Anglais ayant chargé d'assaut, nous fûmes obligés de nous battre à l'arme blanche ; qu'elle a reçu un coup de sabre au bras droit et, un moment après, un coup de stylet au bras gauche, que nous voyant manquer de munitions, à minuit, elle partit, quoique blessée, pour Calvi, à une demi-lieue, où, par le zèle et le courage d'une vraie républicaine, elle fit lever et charger de munitions environ soixante femmes, qu'elle nous amena elle-même escortée de quatre hommes, ce qui nous mit à même de repousser l'ennemi et de conserver le fort, et qu'enfin nous n'avons qu'à nous louer de son commandement.»
Le mois suivant, elle est assez gravement blessée par un éclat d’obus, et ne peut plus participer au combat ; elle ne quitte pas pour autant l’Armée d’Italie, qu’elle sert dans l’intendance. Ses blessures la feront néanmoins souffrir et le 14 décembre 1798, elle doit se résoudre à abandonner le service actif pour rejoindre l’Hôtel des Invalides ; elle est la première femme à y être admise au titre d’une invalidité. Elle est affectée au magasin d’habillement de l’institution.
Le gouverneur de l’époque, le maréchal Sérurier, est le premier à demander pour elle la Légion d’honneur, mais Napoléon la lui refuse.
Sous la Restauration, elle reçoit l’épaulette d’officier, ce qui fait d’elle la première femme officier de l’armée française, et elle se voit décerner la Décoration du Lys, mais toujours pas la Légion d’honneur.
Il faudra attendre le 15 août 1851, pour que le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte décide de la distinguer et vienne lui-même la lui remettre. Le sous-lieutenant Marie-Angélique Duchemin a alors 79 ans. Jusqu’à sa mort, elle reste en uniforme, continuant de participer, comme elle l’a fait dès son arrivée, aux cérémonies et événements qui rythment la vie des Invalides
CDT (rc) Hervé Désarbre
organiste du ministère des Armées